« Et les poissons partirent combattre les hommes » d’Angelica Liddell mise en scène de Julien Barbazin (2016, repris en 2017)

Tout est subversif dans « Et les poissons partirent combattre les hommes » d’Angelica Liddell mise en scène de Julien Barbazin à l’heure des vagues de migrants, des réfugiés et des naufragés par milliers en mer Méditerranée :

Le double travestissement du comédien (magnifique Benjamin Mba) d’homme en femme, de noir en blanc (sa tête chauve entièrement recouverte de maquillage blanc lui confère à la fois un aspect primitif et un air de cérémonie à la Jean Genet), notre posture de public (en général composé exclusivement de blancs) invité par cette femme-homme noire-blanche polie à l’envi, cordiale, accorte, maniérée, guindée, en robe de réception sur quoi ? un bateau de croisière ? nous servant (à nous, touristes sur nos transats) du champagne tandis qu’ailleurs, chutant d’esquifs plus frêles, des émigrés par milliers se noient ; le drapeau européen positionné comme lors d’un meeting devant un micro sur pied (qui ne servira à rien puisque le drapeau européen – et l’Europe à travers lui – restera silencieux) auquel l’hôte-hôtesse s’adresse tout sourire (comme elle s’adresse en même temps à nous public-blanc-européen) en lui-nous disant « Madame la pute » ; les recommandations qu’il-elle lui-nous donne de ne pas avoir peur (il doit y avoir un serviteur de couleur sur le bateau) « du noir » (comme si le « noir » était une catégorie générique) ; l’affirmation qu’il-elle nous lance à la face depuis sa position d’homme-femme noir-blanc(he) (comme si cela n’était pas une évidence) : « Oui les noirs et les pauvres aussi sont des êtres humains ! ».

« Et les poissons partirent combattre les hommes » d’Angelica Liddell mise en scène de Julien Barbazin , avec Benjamin Mba et Céline Morvan (voix), son : Antoine Lenoble et Charles Barbazin, coproduction La Cie les Écorchés (Dijon) et le Festival de Caves.

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