Dans les pièces de Julien Barbazin, vous ne trouverez jamais un théâtre psychologique. Passé au filtre de l’efficacité, le dispositif emporte tout. Avec « La Nuit juste avant les forêts », le metteur en scène a accentué l’impression de flux, de logorrhée, de débit de paroles de Bernard-Marie Koltès.
D’emblée, il vous prend à la gorge et il ne vous lâchera plus.
Décochant son texte à 100 à l’heure, cheveux et blouson de cuir trempés, poings serrés au fond des poches, revêche, furtive, légèrement pliée deux, la bête, prête à bondir, est contre nous. Oui, c’est « contre nous » que ce routard-là fait du théâtre.
Avec « La Nuit juste avant les forêts », Julien Barbazin crée un théâtre en coin. Nulle fioriture. Le personnage, « l’autre », dépourvu de nom, à l’affût, au bas des marches d’un escalier, est immobilisé dans une encoignure de porte. Nous le surprenons (il nous surprend) comme à l’improviste, en position de clandestinité, traqué, affairé à « cracher son venin ».
Dans ce bouge peuplé de « cons » et de « sales français », l’étranger venu à la rencontre d’un autre jeune homme (pour quelle visée ?), doué d’une susceptibilité sociale exacerbée lui faisant connaître qu’en bas il y a ceux qui triment et qu’en haut il y a ceux qui profitent, il ne travaillera pas.
C’est à nous, public reclus dans un recoin de cave, qu’il s’adresse, tandis qu’ailleurs, la musique techno d’une boîte de nuit résonne sourdement.
Traqué au début, traqué à la fin.
Là où les prostituées se suicident et où l’on se fait agresser dans les couloirs du métro, seul un amour idéalisé peut extirper de ce fond de caniveau.
Peut-être.
Et c’est éphémère.
De Bernard-Marie Koltes ; Mise en scène : Julien Barbazin ; Son : Antoine Lenoble ; Collaboration : Jean Marie Carrel ; Scénographie et lumière : Douzenel ; Avec : Julien Jobert
http://www.festivaldecaves.fr/creation/la-nuit-juste-avant-les-forets/